Frères et sœurs, je vais commencer par vous raconter l’histoire de Richard.
C’est un jeune homme, qui, à l’âge de 16 ans commet quelque chose de si grave qu’il est condamné à la prison à vie. Il passera 4,5 ans dans un établissement de haute sécurité pour mineur puis de longue années dans une prison pour adultes.
Sa vie n’avait pas de sens. Il va refuser l’aide d’un psychologue et chercher à trouver le sens de sa vie dans la lecture des textes sacrés de différentes religions. En prison on a accès aux livres. Bizarrement, il n’a pas eu facilement accès à la Bible. C’est selon lui par la lecture de l’Evangile selon Jean et de l’Apocalypse que le texte parlera non seulement à son intelligence mais à son cœur.
Il dira : « je ne savais pas comment devenir ce que je voulais devenir », et « J’ai trouvé dans l’Evangile la possibilité de devenir ce que je voulais devenir », « Un matin je me suis réveillé en croyant en Dieu ». « J’ai demandé à suivre différents cultes chrétiens, il y avait des groupes très ordonnés mais je me suis attaché au groupe le plus indiscipliné un jour où nous avons partagé la communion. Je savais alors que je devais être là ! ». A partir de ce moment, Richard s’est mis au service des autres.
Aujourd’hui, Richard, qui est un homme intelligent, est diplômé en physique, je crois, et parcours le monde pour témoigner de la transformation de sa vie par sa rencontre avec le Christ. Ce jeune avait commis l’irréparable pour posséder et avoir en négligeant de rechercher à être, de son propre aveu, ce qu’il voulait devenir vraiment.
Le texte de Matthieu 5, 13-16 fait suite aux béatitudes dans le discours de Jésus sur la montagne. Dans ses béatitudes, Jésus nous permet, me semble-t-il, de comprendre que pour lui le bonheur promis aux hommes et au monde n’est pas de l’ordre de l’avoir mais de l’être. L’histoire de Richard illustre cela.
Ce n’est pas ce que tu as ou que tu cherches à avoir à n’importe quel prix qui est la source de ton bonheur mais ce que tu es vraiment. En fait il te faut savoir ce que tu es et qui tu es pour parvenir au bonheur, à la béatitude. Et Jésus te propose de te conduire sur le chemin de la révélation de toi à toi-même pour que tu valorises ce que tu es à tes propres yeux. Il te dit que tu es enfant de Dieu et que ta valeur est inestimable.
Plus encore, il veut que tu saches que ce que tu es, par lui, sera à la base de ta relation au monde et à Dieu. Ainsi tu seras devant Dieu tel que Dieu te révèle à toi-même. Ce que tu es vraiment c’est ce que Dieu affirmera et reconnaitra lorsque tu paraitras devant lui. Et tu peux éprouver ce bonheur d’être dès maintenant. Dans ces quelques versets que nous venons de lire Jésus enfonce encore le clou sur l’être du disciple.
1/ Ce que Jésus dit de ses disciples : ils sont le sel de la terre
« Vous êtes le sel de la terre ».
Il ne dit pas que les disciples possèdent quoi que ce soit pour saler la terre mais qu’ils sont le sel de la terre. C’est par leur manière d’être qu’ils apporteront quelque chose de nouveau à la terre.
Pour comprendre la symbolique du sel il faut remonter au premier testament de la Bible.
Le sel y est le symbole de l’élément qui ratifie, qui confirme l’Alliance de Dieu avec l’humanité (Lévitique 2, 13). Toutes les offrandes végétales ne doivent pas manquer du sel de l’alliance de Dieu. Les disciples ne sont pas donnés au monde comme un sacrement pour sanctifier le monde comme certains pourraient le penser mais ils sont dans le monde et de ce fait il apporte une saveur différente au monde. Ils maintiennent et ratifie l’Alliance de Dieu avec l’humanité. Dieu est patient et bienveillant envers le monde à cause des disciples qui, tel Richard, sans cessent viennent à la suite de Jésus-Christ.
Le sel conserve. Il signifie la perpétuité de l’alliance de Dieu avec les hommes. Et les disciples de tous les temps et de toutes les époques doivent maintenir ce goût là au monde. Les disciples sont le sel de la terre selon Jésus. Seulement ils ne doivent pas s’affadir, c’est-à-dire devenir faible en renonçant à l’enseignement du Christ. Alors ils perdront leur qualité et deviendraient inutiles et aux humains et à celui qui les avaient rendus forts.
Nous devons être vraiment nous-mêmes, des êtres transformés par la relation à Jésus, pour maintenir la pérennité de l’alliance de Dieu avec l’humanité.
2/ Ils sont la lumière du monde
Pour Jésus les disciples sont aussi la lumière du monde. Ce que sont les disciples ne doit pas être caché mais vécu au grand jour. Ils sont dans le monde pour vivre une vie qui inspire les hommes sur une manière d’être qui éclaire les destinées et le sens de la vie.
Dans le cas de la lumière il faut aussi remonter au premier testament pour en saisir le sens symbolique. La lumière est chargée de symbolisme. Elle est la première création de Dieu. Elle a été créée pour séparer la lumière des ténèbres car les ténèbres lui précédaient. La surface de la terre était ténèbres. Pour faire reculer l’obscurité et poursuivre la création il était nécessaire de commencer par la création et la révélation de la lumière. Ce qui est mis en lumière c’est la terre qui sera enrichie des différentes créations de Dieu mais aussi l’Esprit de Dieu qui se meut à la surface de la terre. La lumière illumine et fait briller la création. Dieu a vu que la lumière était bonne, c’est à dire juste et nécessaire à l’équilibre du monde. Sans cette lumière le monde est en déséquilibre et bascule à nouveau vers les ténèbres.
Les disciples doivent maintenir le monde dans cette lumière qui leur a été donnée par Dieu qui les a appelés pour maintenir l’équilibre du monde. Métaphoriquement la lumière c’est la vie, c’est cette lumière, cette vie que le monde risque de perdre s’il bascule dans les ténèbres. La lumière c’est aussi le bonheur, elle est promise au monde (Ps 97, 11). Les disciples sont révélateurs de ce bonheur promis au monde (Béatitudes).
La lumière est révélatrice de Dieu et de Jésus car Dieu est lumière (1 Jn 1, 5) (Mi 7, 8), Jésus est lumière (Luc 2, 32). Dieu est environné de lumière.
3/ Révélateurs d’un monde nouveau
En fait pour Jésus les disciples sont révélateurs du monde nouveau qu’il prêche, car le Royaume de Dieu s’est approché.
Jésus offre une nouvelle naissance à ses disciples, une nouvelle manière d’être à soi et au monde et les appelle à agir en cohérence avec ce qu’ils sont vraiment pour que leurs actions soient source d’action de grâces pour Dieu. Pour qu’il y ait d’autres Richard nous devons rester fidèles à nous-mêmes et au Christ (comme l’apôtre Paul dans la lettre aux Corinthiens) et nous garder de l’égarement, mis en garde par Esaïe.
La fidélité à l’homme nouveau que Jésus révèle en nous n’a rien à voir avec la religiosité si on entend bien Esaïe le prophète mais a à voir avec l’humilité, la douceur, la justice, la bonté, la compassion, la paix. Et tout cela nous est donné dans et par le Christ. La vraie religion, le vrai lien avec Dieu consiste à agir en faveur de l’autre. La vraie religion consiste à libérer les hommes injustement enchainés à l’ignorance, à la pauvreté, par la maladie ; La vraie religion consiste à partager son pain avec celui qui a faim, à couvrir celui qui est nu, de ne pas se détourner de celui qui est ton frère. Ce sont là de bonnes œuvres qui disent ce que Jésus produit en nous et qui disent Dieu.
La religion de la connaissance de soi tel que Jésus nous révèle à nous-mêmes et la religion de l’amour de l’autre peut guider nos choix et nos actions dans tous les domaines, dans le domaine familial, social, économique, politique. Dans tous ces domaines le Christ nous appelle à être en cohérence avec nous-mêmes.
Répondre à l’appel du Christ, suivre son enseignement nous appelle à être nous-mêmes, selon Dieu. Cet appel nous enjoint à être nous-mêmes dans le monde pour lui donner une saveur nouvelle et l’éclairer d’une espérance folle, ce Règne de Dieu qui vient. Par cette manière d’être et d’espérer le corps des disciples révèle un monde nouveau qui vient avec et par le Christ, un monde où chacun aime son prochain comme lui-même et agi en cohérence avec cet amour.
En étant auditeur du Christ, nous devenons bénéficiaires du Royaume de Dieu, tous ensemble et non chacun isolément, en étant fondés sur Jésus, sa présence et son action dans nos vies. Amen !